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Organisation et ressources humaines




L'ESS représente 10% du PIB Français et couvre 2,4 millions d'emplois. Ce modèle économique à part entière, renforcé par le projet de loi porté par le Ministre de l’ESS et de la consommation, possède un mode de gouvernance très différent des autres entreprises.


L'ESS, leçon de gouvernance
Gouvernance classique et gouvernance ESS

Dans une entreprise n’appartenant pas à l’ESS, la gouvernance est généralement établie selon un schéma pyramidal. S'il n'existe pas de texte légiférant sur la gouvernance d'entreprise à proprement parler, il existe cependant des codes, élaborés par le MEDEF et l'AFEP.
 
Dans le domaine de l'ESS, la donne est autre, voire opposée. La gouvernance repose sur la complémentarité des intervenants, selon un schéma régi par le système démocratique. Ainsi, dans les associations et les coopératives, on observe généralement le principe « une personne = une voix ». La gouvernance démocratique constitue un des principes majeurs de l'entreprenariat social (avec la liberté d'engagement, une lucrativité limitée, voire absente et une finalité sociale).
 
Pour Benoît Hamon, ex-Ministre de l'Economie Sociale et Solidaire et de la Consommation, sous tutelle du Ministère de l’économie et des finances, ce modèle entrepreneurial spécifique, fondé sur une autre conception de l'économie peut « concilier gouvernance démocratique, utilité sociale et performance économique ».
 
La gouvernance sous l'angle de l'ESS

L'ESS repose donc sur un système alliant démocratie et entreprise, tant au niveau des sociétaires que des adhérents. Coopératives, mutuelles, fondations et associations répondent à ce principe fondateur d’égalité sociale. Dans une coopérative, ce sont les sociétaires (par opposition au concept d’actionnaires) qui détiennent les parts sociales, et dans une mutuelle, tout souscripteur à un contrat social devient adhérent. A ces éléments ajoutent une notion de séparation des pouvoirs extrêmement importante : pas de PDG dans la majorité des structures de l’ESS, mais une structure bicéphale de Président et de Directeur Général pour assurer un meilleur équilibre au sein de l'entreprise.
 
La France est notablement riche en coopératives, structure phare de l'ESS. Nombre d'entreprises de grande et moyenne envergures sont structurées selon ce statut : Optic 2000, Yoplait, Crédit Agricole, Vilmorin, Biocoop... 75% des coopératives françaises ont leur siège social implanté en région et contribuent ainsi au maintien de l'activité économique rurale et au développement territorial.
 
A titre d'exemple, Le Crédit Agricole, leader de la banque de proximité (51 millions de clients) est structuré selon un principe à la fois coopératif et mutualiste. Ce sont les 2 512 Caisses locales qui détiennent le capital du socle du groupe, et les Caisses régionales, à travers 6,9 millions de sociétaires, qui désignent 32 000 administrateurs. Jérôme Grivet, Directeur général de Crédit Agricole Assurances et de Predica explique que « Soutenir l'économie sociale et solidaire est une réponse concrète à la crise économique environnante et permet de créer des emplois et de l'activité à un niveau local où nous sommes fortement implantés avec le réseau des Caisses régionales du Crédit Agricole ».
 
Au niveau coopératif, l'agroalimentaire montre l'exemple : 40 % de ses entreprises sont structurées selon ce modèle. Le groupe Sodiaal (qui a annoncé sa fusion avec la coopérative du Sud-Ouest 3A) est ainsi devenue la première coopérative laitière de France et reste « à l'écoute de nouvelles propositions de partenariats dans le monde coopératif » selon son directeur général Frédéric Rostand. La gouvernance de Sodiaal est assurée par un conseil d'administration composé par des producteurs élus par les représentants des producteurs.
 
Mode de gouvernance similaire dans le domaine de la santé chez Optic 2000. Ses dirigeants Yves Guénin et Didier Papaz mettent en avant un fonctionnement fondé sur la liberté d’adhésion et une gestion démocratique participative. Yves Guénin précise d’ailleurs : « Nos membres appelés associés, car détenteurs d’actions, sont habités par une histoire, des valeurs et une vision commune de leur métier. La solidarité et la cohésion qui unissent ses membres en font une enseigne forte où l’intérêt général prime sur les intérêts individuels ». Optic 2000 a également retenu l'attention de Benoît Hamon en raison de ses initiatives en faveur de l'emploi en France. Avec une gouvernance tournée vers la proximité et la solidarité entre ses membres (plus de 1200 points de vente en France), il était logique pour Optic 2000 de défendre des savoir-faire régionaux et des emplois locaux. Le numéro un de la lunetterie en France a ainsi développé une gamme de lunettes, « Mode In France », entièrement fabriquées dans le Jura, berceau historique de la lunetterie et trop souvent délaissé au profit de la Chine.
 
L'anticipation de l'économie plurielle
 
Yves Guénin considère l’ESS et le modèle coopératif comme « très en avance sur son temps ». « Dans un univers économique instable et déboussolé, les performances économiques des coopératives démontrent avec force la pertinence et l’efficacité de leur modèle », commente-t-il. L'ADN de ces entreprises de l’ESS repose en effet sur la volonté d'insuffler une autre dimension à l'économie française. Loin d’un effet de mode, les entreprises appartenant à l’ESS sont des entreprises du temps long dont la durée de vie est généralement très supérieure à la moyenne : la MAIF existe depuis 1934 et Optic 2000 depuis 1969. Quant au Crédit Coopératif, il date de 1893. Les dirigeants actuels ont pris la relève avec des modes de gouvernance à la fois tirés des valeurs fondatrices, mais aussi en prise avec les impératifs actuels.



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