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Si aux Etats-Unis, un peu moins de 10% des entreprises sont détenues depuis leur origine par une même famille, c’est le cas de près de 40% des entreprises françaises. Cette spécificité nationale, que nous partageons tout de même avec d’autres pays européens comme l’Allemagne, permet à plusieurs grands noms et à des centaines d’ETI et PME de traverser les crises et de se développer en dépit d’un contexte international morose.


Sophie, André, Claude et Marc Senoble : 4 générations d'entrepreneurs
Sophie, André, Claude et Marc Senoble : 4 générations d'entrepreneurs
Des succès internationaux, sur la base d’une structure familiale
Qu’ont en commun Christophe Bonduelle, Thomas Savare ou Marc Senoble ? Tous les trois sont à la tête d’une entreprise familiale de dimension internationale dont la création remonte, pour la plus récente, à un peu plus d’un siècle. Seul Thomas Savare ne porte pas le nom de l’entreprise dont il est actuellement le directeur général, Oberthur Fiduciaire, mais c’est bien sa famille qui a donné à cette entreprise spécialisée dans l’impression des billets de banque son envergure internationale. Une success-story familiale  exemplaire qui doit beaucoup aux choix stratégiques de ses dirigeants: en l’espace de 10 ans, l’entreprise s’est hissée sur le podium mondial de l’impression papier de haute technologie alors qu’à sa reprise par Jean Pierre Savare, père de Thomas, la société était au plus mal.

A quoi les entreprises familiales françaises doivent-elles ce succès, dont on parle si peu ? Cyril Camus, président du directoire de Camus Cognac évoque le « lien très fort entre la famille et l’entreprise avec une volonté primordiale de maintenir l’indépendance de l’entreprise au niveau capitalistique et partenariale, la véritable croyance que la pertinence et la survie à long terme d’une marque passent obligatoirement par la présence d’une famille pour gérer la personnalité et les valeurs de cette marque » (1). Olivier Grosse, Directeur Général de Léon Grosse, évoque plus volontiers l’esprit d’entreprise et la valeur de l’humain : « on veut toujours aller de l’avant, on est prêt à développer d’autres projets qui sont initiés par chaque collaborateur […] c’est la force des hommes qui fait la stratégie » (1). Mais tous s’accordent la nécessité d’une vision de long terme, que résume Timothée Durand, Directeur Administratif et Financier d’Arc International : « L’objectif principal en tant que famille est de développer le chiffre d’affaires et les parts de marché sur le long terme» (1). Une entreprise familiale pérenne se construit donc sur la durée, la gestion raisonnée, et avec la considération du facteur humain (2).


Les entreprises familiales à l’épreuve des siècles
Cette relative bonne santé économique des entreprises familiales, et la propension qu’elles ont à faire plus de sacrifices en temps et en argent pour surmonter une période difficile, a pour conséquence immédiate une durée de vie largement au dessus de la moyenne. La particularité des entreprises familiales tient au fait que celles ci sont, pour ses propriétaires, un patrimoine qu’il faut préserver et faire fructifier avec donc une vision de long terme (3). Sans atteindre forcément le record de l’auberge Hoshi au Japon, propriété de la même famille depuis 14 siècles et 46 générations, l’entreprise familiale traverse les décennies avec plus de facilité que les autres sociétés, entre autres grâce aux atouts expliqués plus haut.

La France compte nombre de ces joyaux centenaires ou plus. La société Oberthur Fiduciaire déjà évoquée, a débuté son activité il y a plus de 170 ans. La société a réussi le challenge de son recentrage stratégique en ce début de XXIème siècle pour devenir l’un des leaders mondiaux sur son marché de niche. La société Revol, produisant depuis plus de deux cent ans et onze générations de la porcelaine culinaire haut de gamme. Les frères Revol ont mis au point des procédés permettant de faire une entrée dans le haut de gamme. Ils ont rendu possible le tour de force de percer sur le marché chinois, que l’on ne peut pas qualifier de novice en matière de porcelaine. En 2010, cette société employait environ 150 personnes pour un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros.  Mais certaines entreprises françaises puisent leurs racines et leur histoire plus loin encore, comme la société des soieries Roze, qui fournit les cours royales du monde entier depuis Louis XIV. Mais la plus ancienne des entreprises françaises est très probablement la joaillerie Meller, dont les premiers bijoux ont eu pour destinataire Marie de Médicis, régente avant le règne de Louis XIII. L’entreprise emploie encore en 2010 une trentaine de salariés pour un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros (4).

Ce ne sont que quelques exemples parmi le millier d’entreprises centenaires que compte la France, qui sont pour 98% d’entre elles des TPE, PME ou ETI (5). Si ces entreprises ont su traverser les siècles, c’est grâce à des capacités d’adaptation et d’innovations que toutes les entreprises devraient prendre en modèle et également grâce à cette vision patrimoniale de long terme. A l’heure où le Président de la République fustige les logiques court-termismes de la « finance internationale », il serait temps que l’Etat stratège déploie une véritable politique industrielle pour soutenir et développer ces pépites que constituent ces entreprises familiales.

(1) « L’entreprise familiale, un modèle durable »,  Family Business Survey – France, Édition 2012, PwC
(2) « Origines du capital social et avantages concurrentiels des firmes familiales », Jean-Luc Arrègle, EDHEC Campus de Nice, 2004
(3) « La confiance: une explication des performances des entreprises familiales », faculty.ksu.edu.sa
(4) « Quatre entreprises françaises qui défient les siècles », Café de la bourse.com, 02 aout 2012
(5) « Les entreprises familiales centenaires ne craignent pas la crise », Café de la bourse.com, 19 septembre 2012



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