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L’imagerie d’Épinal de la coopérative aurait tendance à véhiculer la perception d’une structure peu innovante, à courte vue, et dominée par des préoccupations de cloche-merle. Si certains acteurs peuvent être identifiés à cette représentation, ce n’est pas le cas de la majorité.


Groupe UP, exemple d'une coopérative du tertiaire qui a su évoluer.
Groupe UP, exemple d'une coopérative du tertiaire qui a su évoluer.
« Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement ». Les principes définis par l’Alliance coopérative internationale en 1895 sont toujours d’actualité. Une coopérative est une société de personnes et non une société de capitaux, son modèle se distingue par une gouvernance démocratique selon le principe « une personne, une voix ». Son organisation est fondée sur la participation de ses membres et la distribution des bénéfices tient compte de la mise en réserve d’une partie des profits pour assurer la solidité de l’entreprise.
 
Coopératives d’usagers, de salariés, d’entreprises, banques coopératives, mutuelles... Coopératives agricoles, maritimes, d’artisans, de transporteurs, de commerçants… Le modèle s’adapte à toutes les activités et toutes les tailles d’entreprise. En France, 22 600 coopératives rassemblent au total 28,7 millions de sociétaires, emploient 1,3 million de salariés et réalisent un chiffre d’affaires cumulé de 324 milliards d’euros. Elles représentent notamment 70 % de la banque de dépôt, 40 % de l’agroalimentaire et 30 % du commerce de détail.
 
Longtemps marginalisées dans un monde économique dominé par les sociétés à actions, les coopératives souffrent néanmoins d’une mauvaise perception. Certains imaginent toujours des structures peu dynamiques et peu innovantes, conduites par de joyeux utopistes, des anticapitalistes aigris ou des villageois mesquins, déconnectés des réalités économiques. Il est vrai que certains projets peuvent tomber dans cette caricature... Mais la plupart des coopératives n’entrent plus aujourd’hui dans de tels clichés. Le milieu coopératif se révèle très entrepreneurial, avec de belles success stories et d’importants profits à la clé.
 

Groupe Up, leader des services de paiement pour le quotidien
 
Le Groupe Up fait partie de ces réussites, conciliant esprit coopératif et rentabilité. Ce groupe, dont la maison mère est une société coopérative et participative (Scop), est aujourd’hui présent dans près de 30 pays sur quatre continents, emploie 3 600 collaborateurs et réalise un chiffre d'affaires de plus de 500 millions d’euros, dont la moitié à l'étranger. Première coopérative de salariés en France, l’ex-groupe Chèque Déjeuner développe aujourd’hui une large gamme de systèmes de paiement et de solutions de gestion (chèques, cartes, applications mobiles, plateformes web) qui facilitent l’accès à l’alimentation, à la culture, aux loisirs, à l’éducation, à l’aide à domicile, à l’aide sociale, mais accompagnent aussi les entreprises dans la gestion de leurs frais professionnels ou dans l’animation de dispositifs de stimulation et de fidélité.
 
Depuis sa création en 1964, le groupe Up prouve qu’il est possible de réussir économiquement en entreprenant différemment. Il garde au cœur de son développement les principes coopératifs, tout en préservant l'impératif économique. Spécialisé à ses débuts dans les titres restaurant, Up a participé dès 1995 à l’émergence des chèques Cesu (Emploi service universel). Dans les années 1990, il a diversifié son activité en créant de nouveaux chèques (cadeau, vacances, lire, etc.). Au milieu des années 2000, par croissance externe, il a étendu ses activités dans le secteur de la digitalisation des services à la personne. Un développement qui lui permet d’être aujourd’hui le leader de l’informatisation de l’action sociale en France. Il a également poursuivi son internationalisation en Europe, mais également en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Pour faire face à une forte concurrence, le groupe coopératif a donc choisi de se développer et de se diversifier. Développement et croissance ne sont pas antinomiques avec le respect des valeurs de l’économie sociale et solidaire.
 

Tereos, n°2 mondial du sucre
 
Développement international et diversification sont également à la source de la réussite de Tereos. N°2 mondial du sucre et acteur majeur sur les marchés de l’alcool et de l’amidon, Tereos est un groupe coopératif rassemblant 12 000 associés. Avec 48 sites industriels, il est présent dans 18 pays, et notamment au Brésil, 1er marché sucrier mondial. Il emploie 22 300 collaborateurs et a réalisé un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros en 2019-2020.
 
Lors de son dernier exercice, Tereos a enregistré des résultats en forte croissance. C’est le fruit d’une politique d’investissement ambitieuse et d’une stratégie de long terme qui a permis à la coopérative de surmonter la forte crise qui a secoué la filière suite à la libéralisation du secteur en Europe et à l’effondrement des cours mondiaux. Tereos a ainsi été le seul sucrier en mesure de profiter immédiatement de la remontée des cours. En Europe, sa part de marché est aujourd’hui estimée à plus de 14 %, alors qu’elle était de 11 % en 2017.
 
Pour compenser la baisse structurelle de la consommation de sucre en Europe, le groupe a fait le choix, depuis les années 2000, de s’implanter sur les marchés émergents. Il dispose ainsi de huit sites industriels au Brésil, six en Afrique et trois en Asie. Il s’est aussi fortement diversifié : aujourd’hui, près de 60 % du chiffre d’affaires du groupe provient d’autres produits que le sucre : alcools et éthanol, amidons et produits dérivés, nutrition animale et protéines végétales.
 
Tereos s’appuie également sur sa stratégie d’optimisation industrielle. Un pilote d’usine 4.0, intégrant de nouveaux leviers digitaux, a été testé avec succès au Brésil lors de la campagne 2018-19... Et une usine pilote pour l’Europe, visant un gain de 5 % de productivité grâce à la digitalisation des processus, est développée en France, sur le site de Connantre (51), en 2020-21. Ces gains de productivité permettent d’optimiser les activités de transformation, afin de mieux rentabiliser la culture de la betterave et donc d’en assurer la pérennité sur le territoire français, au bénéfice des adhérents de la coopérative, et de l’ensemble des acteurs qui évoluent autour d’eux (sous-traitants, fournisseurs, leurs familles, les services associés…). Ceci constitue également un solide facteur de consolidation de la souveraineté alimentaire du pays, que la crise de la Covid-19 a remis à l’honneur. Un exemple de plus qui montre bien qu’il est tout à fait possible, et même souhaitable, de concilier esprit coopératif et rentabilité.
 

ATR, une coopérative de transport qui tient la route
 
À une autre échelle et dans un tout autre secteur, ATR est une SA coopérative d’entreprises de transports à capital variable, regroupant à ce jour 28 entreprises, 220 véhicules, 295 salariés dont 245 conducteurs, et réalisant 40 millions d’euros de chiffre d’affaires. Basé à Riom (63), ATR est aujourd’hui reconnu comme un leader régional du transport de marchandises, de la logistique, et comme l’unique opérateur de terminal ferroviaire privé capable de traiter des produits en vrac, des marchandises palettisées et des conteneurs.
 
Né en 1989, la coopérative était historiquement concentrée sur le transport en vrac pour les travaux publics, un segment sur lequel elle s’est hissée en vingt ans dans le top 10 national. Elle s’est ensuite développée dans les secteurs exigeants de la distribution alimentaire et de l’industrie. Elle livre ainsi toutes les enseignes de la grande distribution en Auvergne, et assure le transport pour des entreprises comme Volvic et Limagrain. Bénéficiant des agréments nécessaires, ATR est également devenu un acteur majeur de la benne céréalière.
 
La coopérative s’est également diversifiée dans la logistique. Sur ses trois plateformes, à Riom et Salon-de-Provence (13), elle entrepose des marchandises pour les grandes surfaces. Elle a aussi l’ambition de « piloter les flux » en investissant sur les systèmes d’information, qui permettent de connecter le véhicule, l’entreprise et le client. Le groupement s’engage aussi vers les nouvelles motorisations et se fixe comme objectif d’avoir une vingtaine de camions GNV d’ici cinq ans. Le transporteur s’est également équipé d'un camion frigorifique qui limite les bruits au moment des livraisons matinales, pour répondre à la demande de la chaîne Carrefour. Une flexibilité et une ouverture à l’innovation qui montrent bien que l’esprit coopératif peut parfaitement se concilier avec le dynamisme économique.